Alors que l’été le plus chaud jamais répertorié en Europe touche à sa fin, les Européens se demandent comment ils vont réchauffer leurs maisons locales et leurs économies nationales à partir de l’automne. Dommage collatéral de la guerre russo-ukrainienne, les exportations de gaz et de pétrole russes vers l’Union Européenne ont été fortement diminuées. Et l’escalade militaire sur le terrain pourrait avoir une conséquence redoutée par les 27: la fin pure et simple de l’arrivée de gaz russe l’hiver prochain. Initiée par les sanctions occidentales contre Moscou, la réduction de l’achat de gaz russe s’est heurtée au principe de réalité. En réduisant sa consommation l’UE a affaibli la Russie, mais elle s’est également affaiblie elle-même. Poussé à son paroxysme, le jeu des sanctions contre-sanctions serait un jeu à somme nulle, où les deux parties seraient perdantes. Néanmoins pour la Russie, le gaz est le seul véritable levier dont elle dispose face à l’Europe, et elle compte s’en servir à mesure que des armes occidentales continuent d’arriver en Ukraine. Les gazoducs Nord Stream 1 et 2 sont au diapason de ce dialogue de sourds. Alors que Nord Stream 2 a été avorté peu avant sa naissance, Nord Stream 1 continue de fonctionner tant bien que mal. Lors de leur maintenance technique en juin, deux turbines de Nord Stream 1 ont dû subir une réparation, indispensable au fonctionnement du gazoduc mais suspecte aux yeux des Européens, craignant un excès de zèle russe. Il suffit cependant que cette livraison soit réduite, et elle l’est à 20%, pour réduire les réserves stratégiques de gaz. Le premier État européen exposé à ce problème est l’Allemagne. Dans son mix énergétique, celle-ci utilise un tiers de charbon, un tiers d’énergies renouvelables, un tiers de gaz et de nucléaire. Ce troisième tiers est donc lui-même un mix, et à parts inégales: le gaz y représente environ 20% de la consommation énergétique, le nucléaire environ 10%. Alors que l’Allemagne est censée sortir du nucléaire à la fin de cette année, cette perspective est reconsidérée par le chancelier Olaf Scholz. Mais même en gardant l’uranium, celui-ci ne suffirait pas à lui seul à combler le manque de gaz russe si celui-ci était coupé.
«Les aliments dont les peuples se nourrissent et les boissons dont ils s’abreuvent modifient leurs mœurs, leur caractère et leur intelligence. Cabanis et Hippocrate, avant lui, l’ont remarqué, les crétins goitreux, qu’on rencontrait autrefois dans les montagnes de la Maurienne et du Valais, vivaient presque uniquement de châtaignes, de laitage et de pain fait de la farine noire de sarrasin. Le Russe n’est plus barbare depuis qu’il boit les grands vins de France, «et Madame Clicquot a plus contribué à policer la Russie que Pierre le Grand et ses successeurs». Le génie allemand est épais et nébuleux comme la bière, l’esprit français est limpide et pétillant comme le vin de Champagne, et l’on pourrait définir l’esprit la mousse de l’intelligence.»
Lucien Tendret, La Table au pays de Brillat-Savarin
Tiraillée entre des sanctions incluant un plafonnement au prix du gaz russe, et des besoins énergétiques pour le fonctionnement de son économie, la locomotive européenne risque un arrêt imprévu.
Gare omnibus d’Auberge Espagnole,
cinq minutes d’arrêt
[…]
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