Les résultats financiers d’Aramco pour 2021, annoncés le 20 mars 2022, n’ont pas déçu les actionnaires du géant pétrolier saoudien. Des résultats mirobolants, mais qui ont été présentés dans un contexte de déséquilibre mondial, précédant un nouveau rééquilibrage.
- En 2020, au début de la pandémie de Covid-19, les profits d’Aramco avaient chuté de près de 45%, le revenu net stagnant à 49 milliards de dollars.
- En 2021, avec la reprise des échanges mondiaux, les profits ont bondi de plus de 100%, le revenu net atteignant 110 milliards de dollars.
- En 2022, la compagnie saoudienne poursuit sur sa lancée, les prix de l’énergie grimpant en flèche ces derniers mois et ces dernières semaines.
En plus de ses résultats financiers, le géant du pétrole a aussi annoncé une augmentation de son capital d’investissement pour 2022 à 40-50 milliards de dollars, contre 32 milliards en 2021, afin de booster sa production. Aramco a produit un peu plus de 10 millions de Barils de Pétrole par Jour en février 2022; d’ici 2027 la compagnie veut arriver à une production maximale de 13 millions de BPJ. La compagnie prévoit enfin d’augmenter sa production de gaz de plus de 50% d’ici 2030. Soumis à l’actualité, les prix du baril de pétrole et du mégawattheure de gaz ont atteint tous deux les 120 dollars, des prix à leurs plus hauts en 14 ans, donc depuis la crise financière de 2008. Autres crises en 2022, mêmes effets financiers: l’espoir d’une sortie de la période Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne sont les deux facteurs déterminant la course mondiale à l’énergie. «Retour à la normale» post-pandémie et hâte de l’Occident à s’affranchir de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie: deux réactions qui entraînent hausse de la demande et inflation. Les Occidentaux accueillent donc favorablement les engagements du pays de Mohammed Ben Salmane, qui interviennent eux-mêmes dans un contexte de grandes manœuvres dans la péninsule arabique. Outre les escarmouches entre Saoudiens et rebelles yéménites houthis, Riyad est aussi confronté à deux autres voisins, cette fois sur le plan du leadership régional: les Émirats Arabes Unis de Mohammed Ben Zayed font un lobbying diplomatique tous azimuts d’Abou Dabi à l’ONU, tandis que le Qatar de Tamim Ben Hamad a signé le 20 mars un contrat gazier à long terme avec l’Allemagne. Au-delà de la péninsule et de la rivalité de prestige entre les princes héritiers MBS, MBZ et TBH, il y va aussi du rôle mondial de l’Arabie saoudite, en tant que plus grand producteur de l’OPEP. Le royaume est en effet tributaire des changements liés à la Russie, hors OPEP mais pas hors marché.
- Même si l’augmentation de production saoudienne devrait être massive, elle n’interviendra pas immédiatement. 2027 pour le boost pétrolier et 2030 pour le boost gazier, cinq ans et huit ans, cela excède de beaucoup l’urgence occidentale de dérussification.
- D’autant que le 23 mars Vladimir Poutine faisait aussi son annonce: d’ici fin mars le président russe n’acceptera que des roubles, donc plus de dollars ni d’euros, pour le paiement de gaz russe par les pays non amicaux. Suite à cette annonce, le prix du gaz européen a monté de 20%. Puissance surtout pétrolière, l’Arabie saoudite n’est pas la plus impactée par cette décision mais elle la scrute de près.
- La Russie compte peser sur la valeur des devises dans l’achat des hydrocarbures, alors qu’elle est affaiblie économiquement par la guerre en Ukraine. En perdant ses clients occidentaux, elle se tourne notamment vers la Chine et vers l’Inde. Étant elle aussi dans l’urgence, la Russie pourrait être contrainte de baisser ses prix, entraînant de nouveaux changements dans le marché mondial de l’énergie.
Ces changements, qui concernent aussi l’or noir, impliquent des variations dans les actions d’Aramco. La compagnie l’a bien compris, et elle se tourne de plus en plus vers la Chine.
«-Quand j’la vois elle n’est jamais seule.
-Et quand elle est seule?
-Elle ne veut pas m’voir.
-Je n’savais pas qu’tu étais si timide!
-… Moi non plus.»Gérard Philipe et Yves Robert, Les Grandes Manœuvres
La situation mondiale étant digne de sables mouvants, le double boost saoudien dans ses productions de pétrole et de gaz pourrait aussi s’expliquer par l’anticipation de prix à nouveau fluctuants.
À qui le tour de fluctuer?
[…]
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